Glanées de ci de là,
pour aider à s'endormir les petits
et les grands qui sont restés de grands enfants,
plutôt que de tomber brutalement dans les bras virils de Morphée,
se laisser glisser,
bercer... par de petites histoires...
contes... légendes... fables... folklores... mythes... sagas... traditions...
Rêves...

 
 


HISTOIRES DE BAOBABS...



L'arbre éléphant

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Ce matin là
Il y a longtemps, si longtemps que racines et lianes ne savaient où longer leur mémoire, Sorcier le Grand jouait à la pâte à modeler.

Ce matin-là, comme la gazelle saute mais sans savoir vraiment pourquoi par dessus les épineux de la savane, ce matin là courait dans sa tête un désir puissant de créer un…
La nuit précédente, la bête s'était invitée dans un de ses rêves. A tel point présente qu'il aurait pu en toucher la peau craquelée et les ongles coupés au carré.

Mais ce matin-là, comme le serpent se sauve dans le ça-va-trop-vite pour-être-rattrapé, ce matin là Argile ne tenait pas à ce qu'on la touche. C'est en vain qu'il tournait et retournait entre ses doigts les colombins d'ocre luisante… Il finit par jeter l'informe par-dessus bord. Ainsi fut créé l'homme.D'un deuxième essai, il réussit un peu mieux la femme. Ce fut le premier jour.

 

Le lendemain, ayant bien observé ses créatures, il convint avec lui-même qu'il leur fallait un endroit pour se protéger du soleil.
Parfois Sorcier le Grand se pose un peu et réfléchit. Parfois. Alors qu'il fermait les yeux et s'étendait dans sa case s'imposa à nouveau à lui l'image de l'éléphant. Mais cette image était étrange. La bête ne possédait qu'un seul pied et sa tête était recouverte de feuilles.

Sorcier le Grand sait de longue date qu'il lui faut écouter ces images lui rentrent dans sa tête par une ouverture inconnue et ressortent par ses doigts sans qu'il puisse en saisir le trajet.
Et voilà qu'il casse
Tasse
L'argile grise dans Calebasse
La bienheureuse
Qui aime les chatouilles.
Puis il détache un morceau de nuage
Et le presse fort pour en faire sortir les orages
Inonde d'eau la terre séchée.
Le beau pied d'éléphant que voilà !!
Mais chacun sait dans la savane que l'éléphant a son caractère, comme le cochon la bourrique ou la mule. Et la patte lui échappe, saute par dessus bord et se cavale, se cavale…
« Mon Moi, Mon Moi !!!!! » hurle Sorcier le Grand s'arrachant le désespoir et le jetant par dessus bord aussi . « Mon MOI, voilà que la patte d'éléphant va écraser le premier couple de la création !! »

Vite, il se couche en se cachant les yeux pour ne pas voir l'horreur, puis se reprend. Ecouter les images qui se pressent déjà au seuil de cette cavité inconnue.
Elles arrivent à la vitesse du feu de brousse, car elles savent bien, elles, que Sorcier le Grand sera très en colère si les créatures sont endommagées.
Ce sont des images de mains.
Vite, il se penche au bord de sa case et fait descendre sa voix :
« Morceaux de désespoir,
Je vous l'ordonne
Transformez-vous en mains
Et rattrapez-moi ce pied désobéissant par les cheveux.
Sitôt dit, sitôt fait.
Le désespoir se transforme toujours en ce que l'on veut
Si on le presse un peu
Larmes, symphonies, poèmes
Cette fois-ci il se métamorphose en mains.

A peine eurent-elles le temps d'agripper le pied en chute libre qu'il le plantait la tête la première dans le sol, si profondément que ses mains eurent beau tirer, tirer vers le ciel, comme les racines tirent vers la profondeur du sol pour chercher la cuve où l'eau bouillonne, à peine eurent-elles le temps

Qu'il s'enfonça
Et y resta
L'air tout bête
Les mains en restèrent accrochées à leur surprise, tendues comme des tridents vers le ciel.
Depuis, elles s'y sont enracinées et trouvent dans l'azur éternel là-bas les quelques gouttes qui permettent à ce pied qui n'a aucune tête de survivre.
Parfois, elles ne trouvent rien, et l'arbre disparaît de honte, puis ressort ailleurs, là où on ne le connaît pas et encore moins sa véritable histoire.
Mais maintenant…
Le baobab ne pourra plus cacher ses origines d'Eléphant…

 

arbre-elephat-baobab

(d'après: http://krapoarboricole.unblog.fr/2008/01/25/larbre-elephant/  )

 

 Il y a devant nous une source et un petit étang. Quand aucun vent ne souffle, la surface de l'étang est lisse comme un miroir. Il y a très, très longtemps, le baobab était auprès de l'eau et dressait sa cime vers le ciel.

Il voyait les autres arbres qui avaient des chevelures fleuries, de tendres écorces et des feuilles. Tous étincelaient de couleur et le baobab voyait tout cela dans le miroir et il était malheureux. Ses feuilles à lui étaient minuscules, ses fleurs imperceptibles. Il était gras et son écorce ressemblait à la peau ridée d'un vieil éléphant. L'arbre invoqua Dieu et se plaignit à lui.

Dieu avait créé l'arbre et était satisfait de son œuvre qui n'était pas semblable aux autres. Il aimait la diversité. Seulement, il ne pouvait supporter la critique. Il demanda à l'arbre s'il trouvait beau l'hippopotame ou agréable le cri de l'hyène. Puis Dieu se retira dans les nuages. Il voulait qu'on le laissât réfléchir en paix. La création d'hommes qui lui plairait lui causait déjà bien du souci....

Le baobab ne cessait, ni de se regarder dans le miroir, ni d'élever vers lui ses plaintes. Dieu descendit donc, saisit le baobab, le souleva, le retourna et le replanta dans la terre, comme ça : à l'envers ! Ainsi l'arbre ne se voyait plus et ne se plaignait plus.

TOUT ETAIT RENTRE DANS L'ORDRE.

(d'après: http://alain.borgo.free.fr/Baobab/index.html  )

 

le baobab sacré

halidou kompaore

Sous l’arbre à palabre, le vieux Kibaykita qui a l’art de captiver l’attention des enfants avec ses belles histoires avait fini de leur raconter la première histoire du jour.
Au fait, le vieux a promis aux enfants de leur raconter deux histoires chaque jour dès qu’ils seraient regroupés et manifesteraient le besoin d’entendre les blagues et autres histoires drôles pleines d’enseignement. Kibaykito avait choisi l’entretien avec les enfants pour participer à l’élévation du sens moral des enfants et à leur éducation.
Pour cette seconde histoire, les enfants affichèrent un air particulier. Ils avaient le regard suspendu sur les lèvres du vieux, tant ils attendaient avec impatience l’histoire du baobab sacré; histoire que le vieux s’est résolu enfin de leur conter.
Aujourd’hui, pensaient-ils, nous allons entrer dans le mystère de cette histoire.
Mes chers enfants, les devins avaient prédit avec frayeur qu’un roi de terreur naîtrait à Koun. Ils disent que la naissance du roi fut mystérieuse et toute sa vie fut marquée par des faits insolites. Tenez vous bien et écoutez.
Poogbi était à sa treizième grossesse et elle n’avait jamais tant vécu durement une telle période de grossesse tant et si bien que toutes les vieilles imaginaient dans le secret des dieux, une issue au goût amer. En effet, durant les dix mois que dura sa grossesse, elle n’a cessé de ressentir des douleurs indicibles au bas ventre entraînant son évanouissement. Il a fallu très souvent, l’intervention des guérisseuses pour la sauver d’une situation qu’elles n’ont jamais vécue et dont elles n’ont en réalité aucune expérience.
Ainsi, lassée de vivre dans la douleur cette grossesse dont le terme n’intervenait point, mère Pogbi se résolut de se confier aux accoucheuses de la cour royale dans la plus grande discrétion.
Lorsque Poogbi atteignit les neufs mois de grossesse après avoir supporté les douleurs viscérales et les contorsions de son bas-ventre, un calme légendaire l’envahit et elle vécut le reste du temps dans une paix craintive. «Est-ce le début de ma délivrance?» voilà l’impression joyeuse sans nul doute que se faisait Poogbi. Et pourtant, elle traînera durant des semaines encore cette grossesse.
À la vérité, après les neuf mois de souffrance, ils se passèrent des faits très étranges. Pendant la période de quiétude relative intervenue après les neuf mois, Poogbi avait l’impression toutes les nuits, d’avoir mis au monde un enfant et de s’être déchargée enfin de son poids qui devenait gênant et qui faisait beaucoup de bruit en pays Moaga. L’impression du soulagement était juste. Dès que la nuit tombait, Poogbi sentait son bas-ventre sans la charge habituelle. Miraculeusement, l’enfant naissait et se retrouvait aux pieds de sa mère, se mettait à marcher et disparaissait dans la nuit.
Quand l’événement se produisit pour la première fois, Poogbi parut plongée dans une anxiété épouvantable qu’elle ne put le partager. Par la suite, le bébé perdu dans l’obscurité ne revenait qu’à l’aube, accompagné d’une longue suite de griots qui faisaient résonner les tam-tams comme pour célébrer un retour en apothéose.
Les jours suivants le même événement se reproduisit de façon typique. Peu à peu, mère Pogbi se familiarisa secrètement à ce qui lui arrivait.
Dès que les guérisseuses et les accoucheuses furent mises au courant de l’événement elles s’organisèrent pour accueillir l’enfant qui allait naître et porter la nouvelle dans tout le royaume.
Une nuit cependant que la mère eut l’impression d’avoir mis au monde un bébé, elle alerta toutes celles qui devaient l’assister pendant son travail. Ces dernières accoururent, vinrent occuper sa case avec toute la layette indispensable et veillèrent jusqu’à l’aube. Au retour en fanfare, mais uniquement perceptible par Poogbi, du bébé, toutes celles qui étaient présentes s’agenouillèrent et se prosternèrent tout en criant en chœur: «I yèla nabiga... (soyez le bienvenu petit prince parmi nous...)»
À partir de cet instant même, le bébé se retrouva comme par enchantement entre les jambes de sa maman, poussa un vagissement, consacrant ainsi sa naissance.
C’est ainsi que le petit prince vint au monde et on lui donna le nom de Roggnan (celui qui est né enfin).
Quelques années plus tard, Roggnan avait grandi normalement comme tous les enfants de son age. Jusqu’à sa septième année il était toujours auprès de sa mère qui le chérissait et l’entourait d’une grande affection dont les autres frères en jalousaient grandement.
Au cours de toutes ces années, Poogbi finit par oublier les circonstances dans lesquelles elle avait enfanté Roggnan. De temps à autre ce sont les commérages des autres femmes qu’elle surprenait qui la plongeait dans l’angoisse. Mais elle se ravisait et se reprenait promptement se disant que la vie est faite aussi bien de bonheur que d’épreuves qu’il faut surmonter par la force de son esprit.
Par ailleurs, ce qui nourrissait la jalousie des coépouses de Poogbi était moins l’amour voué à Roggnan que la perspicacité d’esprit, la vivacité et la témérité que manifestait ce dernier. C’est ainsi qu’à treize ans, pendant qu’il conduisit le troupeau de moutons de sa mère vers les pâturages, il s’aperçut qu’une hyène s’était emparée d’une brebis et se sauva à toute allure. Au même instant, il se saisit de sa fronde munie de projectile rocailleuse et se lança à la poursuite du fauve. Au bout de sa longue et pénible randonnée dans la foret clairsemée, il ramena l’hyène inanimée, un caillou logé dans la tête. Lorsque la nouvelle parvint au village, tout le monde fut émerveillé par l’intrépidité du jeune prince. Il ne manquait jamais d’occasion pour prouver sa bravoure. Une fois cependant qu’il s’amusait avec ses camarades légèrement plus âgés que lui, la partie dégénéra et une bagarre éclata. Elle opposa le jeune prince à un camarade qui, excité au village, avait voulu mesurer le courage du jeune prince dont tout le monde ovationnait tant. La petite querelle qui s’était muée en véritable pugilat se transforma rapidement en une lutte acharnée dans laquelle personne n’osait s’interposer. Enfin de compte un désastre se produisit. L’adversaire de Rooggnan se retrouva affalé à même le sol évanoui avec un bras cassé. Depuis lors, il mérita le respect de toute la génération.
Les années passèrent, se succédèrent et virent les exploits de Rooggnan se multiplier et sa réputation ne faisait que traverser les frontières du royaume. Partout son nom rimait avec bravoure et adresse. Lorsqu’il sentit que l’age de la maturité avait sonné, il quitta la cour royale et alla vivre en solitaire en pleine brousse. Il y vécut pendant les trois années successives se nourrissant de fruits et de viande.
Un jour cependant qu’il était autour d’un petit feu, des émissaires vinrent et l’approchèrent. Ces derniers étaient porteurs d’une nouvelle qu’il fallait transmettre avec toute prévision d’une réaction violente du prince. Ils s’adressèrent à lui en ces termes: «Grand prince, prince des princes, élu des dieux et des ancêtres, sa majesté votre père le roi que vous avez quitté il y a bientôt quatre ans a rendu l’âme. Ses obsèques ont été effectuées dans le digne respect des traditions et ses funérailles, mémorables, se sont déroulées à travers les rites ancestraux. Comme vous le constatez, notre présence ici n’est pas le fait du hasard. Elle se justifie pleinement et elle est loin de troubler votre paix profonde ; de ce fait, vu les événements et l’état actuel des choses, vous avez été choisi à l’unanimité par le conseil des sages comme le digne fils de feu le roi votre père capable de conduire la destinée du peuple. Sur ça le peuple attend votre retour avec impatience».
Après tout ce long discours empreint de propos élogieux, les émissaires s’attendaient une réaction particulière du futur roi. Peine perdue. Il resta figé, fixant son regard perçant et agressif à l’encontre des émissaires. Il maintint ainsi en haleine ses visiteurs pendant longtemps avant de rompre avec son mutisme en ces mots: «Ordre vous est donné de retourner à Koun». Pris de panique, les émissaires se retirèrent tous inquiets. Après le départ de ces derniers. Il resta encore sept jours dans sa retraite et regagna le chef lieu du royaume le huitième jour.
Lorsque les envoyés spéciaux retournèrent, ils firent le compte rendu fidèle de leur rencontre avec le prince. Le conseil des sages et la confrérie des anciens furent sidérés par ce qu’ils venaient d’entendre. Tous ensemble, ils se concertèrent et durent donner une semaine de réflexion à chacun afin de prendre la décision la plus idoine pour sortir le royaume de l’impasse.
Lorsque le septième jour arriva, les anciens et les sages se réunirent à nouveau en conclave pour prendre une décision. Au fait, tout le monde avait interprété le silence de Roggnan comme étant un refus de succéder à son père et par conséquent il fallait trouver un remplaçant valeureux digne de remporter l’approbation du peuple et surtout celle des notables. Lorsque au terme de leurs échanges, il convinrent tous et s’accordèrent à disgracier Roggnan, ce dernier fit irruption dans la salle où se tenait le conseil on ne sait pas quel moyen.
À l’instant même émus, les propos changèrent et comme un seul homme, ils crièrent en chœur: «Soyez le bienvenu, sa majesté roi des rois, élu des dieux et des ancêtres». Aussitôt, place lui fut offerte. Mais visiblement le climat était délétère. Cette présence inattendue empestait l’atmosphère et inspirait la peur à l’assemblée. Tout le monde se tenait coi. Illico toutes les décisions qu’on s’apprêtait à prendre changèrent.
En effet, le grand griot prit la parole: «Sa majesté, roi des rois, digne héritier de la couronne royale, tenant légitime du bâton impérial, il se tient un conseil sur les festivités qui marqueront la cérémonie de votre intronisation. Le conseil a décidé que dès votre retour la cérémonie se tiendrait à votre bon vouloir le jour suivant. Voilà sa grandeur ce qui se décidait». Roggnan comme à l’accoutumé n’eut rien à dire: l’assemblée prétexta la fatigue du futur roi et se retira.
Le lendemain, pendant qu’il faisait encore nuit, les tam-tams se mirent à résonner à un rythme peu ordinaire annonçant ainsi au peuple ce qui se passera les heures suivantes. Dès les toutes premières lueurs de l’aube, femmes, hommes et enfants s’affairèrent dans leurs activités. Il fallait finir vite avec ce qu’on a d’habitude à faire et se rendre à la cour royale. Des cérémonies pareilles on ne se fait pas conter.
Alors, dès l’apparition des premiers rayons du soleil, la cour du roi débordait déjà de monde, la mise en place des populations était terminée. Au même moment, les griots furent leur apparition et commencèrent à chanter les louanges du roi. C’est un moment très captivant. Les plus jeunes saisissent cette opportunité pour apprendre toute l’histoire de la royauté; les exploits réalisés et les faits marquants de chaque règne tout cela emprunt de dithyrambe. C’est justement en ce moment même que Roggnan, paré de ses plus beaux habits se montra au public sous son ovation et ses applaudissements. À pas feutrés, le roi avança lentement pour monter sur le trône. Une fois installé, les griots mirent fin aux éloges, cédant ainsi la parole aux sages qui proclamèrent Roggnan roi de Koun.
Au cours de la journée des manifestations populaires marquèrent l’intronisation: on assista à des courses de chevaux et à certains jeux interdits en temps ordinaire...
Quant à Roggnan, il fut entouré par les sages qui lui communiquèrent certains secrets et l’initièrent à certaines pratiques mystiques en tant que premier gardien de la société.
Après l’intronisation le temps s’écoula, continua sa course habituelle, aussi Roggnan régnait-il paisiblement dans son palais mais pas du tout satisfait du rôle de chef qu’il devrait jouer.
En pays moaga, le roi est peu mobile et doit s’empiffrer de mets très nourrissants pour pousser l’embonpoint. Il ne devait se montrer au public que par nécessité. De ce fait, il y avait beaucoup de contraintes qui limitaient la liberté du roi et Roggnan le supportait malgré lui. Un jour, après sept ans de règne, piqué au vif par les multiples conseils sages de la notabilité, il rompit avec la vieille tradition. Dès alors, il exprima sa volonté de dominer et de s’adonner à certaines libertés indignes d’un Roi. Petit à petit survinrent les dérives graves de Roggnan. Il s’appropriait quand il le désirait, de toute femme de son goût. Très souvent, ceux qui commettaient les peccadilles tout comme les contrevenants aux lois ancestrales étaient punis de mort. Roggnan devint sanguinaire et versa suffisamment de sang pour ce qui n’en valait pas la peine. Un jour dans ses promenades, il passa à coté d’une étrangère qui pilait le sorgho. Cette dernière portait au dos son unique garçonnet qui criait à tue-tête. Ces cris stridents mirent Roggnan hors de lui qui s’adressa à la femme: «Ne peux-tu pas soigner de ton enfant?». «Imprudente et insolente» elle rétorqua «Comme tu est homme, peux-tu le faire taire pour de bon?». La malheureuse ignorait la mauvaise réputation de Roggnan qu’on ne défie pas. A ces mots, le roi obligea la femme à mettre son enfant dans le mortier et avec amertume elle le fondu au mil.
Au fur et à mesure que le temps s’écoulait, la cruauté du roi provoqua une consternation générale à Koun où la colère du peuple grondait. Les anciens se concertèrent secrètement pour voir la conduite à tenir. Le roi est un initié, il maîtrise les pratiques mystiques et il a la protection de certaines forces occultes qu’il faut être téméraire pour l’affronter.
Une fois Roggnan parti en chasse et il croisa un jeune chasseur malingre mais au regard vif dans sa zone de chasse. Du coup, pris de rage le roi engagea une course poursuite contre Tonwassa le chasseur. Ce fut une randonnée chevauchée à travers la savane.
Tous deux, cavaliers de renom, dans une course folle, évitaient les embûches, franchissaient mares et rivières à travers des bons prodigieuse que les chevaux exécutaient avec une dextérité exquise.
Cette course les ramena au village; ils le traversèrent à toute allure écrasant tout sur leur passage.
Dès le début de la course, Tonwassa avait imaginé un dénouement final s’il voulait sauvé sa peau: entraîner le roi dans un lieu qui lui est interdit situé au cœur même de Koun.
Tonwassa fonça en trombe sur le baobab sacré situé dans ledit lieu et son cheval blanc auquel il s’est agrippé, grimpa au baobab laissant des empreintes creuses et profondes des sabots sur le tronc, du pied du baobab au sommet.
Au même instant et à la même allure, le roi suivait Tonwaaa et ne s’apercevait pas du tout des manèges de ce dernier. Lorsque le cheval du roi arriva au pied de l’arbre il se cambra et s’arc bouta. Le roi se servit de son sceptre magique et l’envoya comme une flèche sur le chasseur qui se trouva déjà au sommet du baobab. En ce moment même, le chasseur descendit par le côté opposé et disparut. Le sceptre du roi n’ayant pas atteint sa cible, traça un sillon profond sur le tronc du baobab suivant le côté par lequel le jeune chasseur s’était échappé. C’était la première défaite du roi signe précurseur de sa chute.
Ces événements firent beaucoup de bruit et on s’informait sur l’identité réelle du jeune chasseur. Tout de suite on se rendit compte que Tonwassa est un homme épris de paix et vit seul en brousse. Il occupe ses journées à étudier la vertu et le pouvoir de guérison des plantes. Il revient souvent au village pour porter secours aux malades graves.
Ainsi à la demande du conseil des sages le chasseur accepta de faire ce qu’il pouvait pour débarrasser Koun du tyran Roggnan. Alors, lors d’une partie de chasse, il blessa légèrement un cheval sauvage et put le maîtriser. Par la suite, il usa toute sa patience et parvint à apprivoiser la bête sauvage. Et c’est à partir de ce moment que les évènements prirent une tournure déterminante.
Dans la cour royale on organisa une grande fête en l’honneur du roi. A cette occasion on a prévu une course de chevaux à laquelle, le roi consentit de faire une petite parade avec son cheval avant le début de la course. On lui envoya son cheval paré de tout part. A la vérité, c’est le cheval sauvage domestiqué qu’on lui présenta. Le roi ne s’en douta point. On l’aida à s’y installer et on prit soin de nouer soigneusement et gracieusement ses pieds contre les étriers afin qu’aucune chute ne le sépara de la bête. Lorsque l’installation prit fin, c’est en même temps le destin fatal du roi, qui fut scellé. Et alors, on donna un franc coup de cravache au cheval qui poussa un hennissement avant de se livrer à une course redoutable.
Le coup de fouet éveilla l’instinct sauvage du cheval qui n’accorda aucune chance de survie au roi. A toute allure, le cheval sauvage traversa le village et se dirigea en pleine brousse avec toute la force de ses muscles. Ainsi, le roi hissé sur son cheval, était tour à tour frappé par les branches et les troncs d’arbres. A cette allure il perdit l’équilibre et se décrocha violemment de son siège d’où il se retrouva à terre, les pieds toujours liés aux étriers. A cette position des plus inconfortables, il fut trimballé sur une longue distance. Progressivement, les habits qu’il portait se déchiquetèrent ; son corps qui s’accrochait à tous les obstacles se réduisit complètement en lambeaux très méconnaissables.
Le cheval sauvage continua sa course folle traînant avec lui les restes de Roggnan. A Koun on suivit le trajet du cheval par les empreintes laissées et on put retrouver et ramasser par ci par là les reliques du corps du roi. On les rassembla et on procéda à une incinération très loin de Koun.

C’est de la sorte qu’on put se défaire du roi cruel.

De nos jours on déconseille vivement de prononcer le nom du roi Roggnan dans certaines circonstances. Ce nom est de mauvais augure et porte malheur.
À Koun le baobab sacré vit toujours et porte les stigmates d’une partie de l’histoire de Roggnan.
C’est en ces termes que Kibaykita mit fin à l’entretien avec les enfants: «Quelque soit la force de l’eau, elle finit toujours sa course au pied de la montagne. La vie est sacrée et vous devez la perpétuer par l’amour du prochain». 
 
(d'après: http://www.el-ghibli.provincia.bologna.it/id_1-issue_03_13-section_2-index_pos_5-inlingua_t.html  )



 




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